ARIEL WIZMAN
Avec les soeurs Hilton, elles se croisaient furtivement tous les
jours, sous l'oeil indifférent des bonnes soeurs du Couvent du
Coeur Sacré. Elle, Stefani, maîtrise du piano classique et
tenues Versace dès 4 ans, et elles, Nicki et Paris, très propres,
mauvaises élèves, qui ignoraient et continueraient à ignorer,
que la Pop était ni plus ni moins qu'un joli packaging pour des
progressions de Bach ou Albinoni. Lady Gaga, comme elle
devait s'appeler, était déjà un phénomène, une absurdité
burlesque, inquiète et transformiste. Une collégienne qui
entendait distinctement Marie-Antoinette, David Bowie, Judy
Garland, Sylvia Plath, et Freddie Mercury lui chuchoter des
choses à l'oreille. "Déshabille toi !"... "Transforme toi!"...
"Sois sublime, grotesque". Elle était une enfant, équilibrée,
d'une famille heureuse, et déjà autre chose, le germe de la fille
la plus libérée du monde, de la femme la plus confiante de
tous les temps. Une confiance épidémique, qui allait infecter
un monde hypocrite, gavé de la fausse virginité de Britney, et
de l'ésotérisme aérobique de Madonna. Andy Warhol avait
bien entrevu que le monde qui se barbouillait de disco, de
drogue, et de philosophie post-moderniste, allait un jour
accoucher de Lady Gaga. Qu'est-ce qui nous plaît chez Lady
Gaga, si opposée à nous et planant bien au-dessus de nos vies
? L'extravagance concentrée, avec tout ce qu'elle porte de
vérité, ou, mieux encore, de dénonciation du faux, du beige et
du médiocre.